Dess(e)ins
Monstre (sélection)
Encre de Chine et noir de fumée sur papier_80/120cm
Le gribouillis, la tâche et la souillure répondent ici dans leur mise en œuvre à une tentative d’anoblissement de gestes perçus communément comme ingrats. Qu’ils soient désinvoltes ou accidentels, ils renvoient au chaos, cet espace originel de tous les possibles devenirs.
La série « Monstre » explore l’ambiguïté des formes hybrides, surgies à la lisière du figuratif et de l’abstrait. Les figures apparaissent comme des entités en mutation, ni tout à fait humaines, ni entièrement animales ou végétales. Réalisées à l’encre de Chine et à la fumée, elles semblent issues d’un souffle, celui de la combustion, d’une exhalation obscure, ou d’un inconscient en expansion.
Chaque "monstre" échappe à la capture du regard : instable, mouvant, il résiste à l'identification. Le noir profond et les textures accidentées amplifient cette instabilité, tout en évoquant un archaïsme primitif, presque totémique. On y sent autant le geste de l’artiste que la trace de forces extérieures, incontrôlables, presque rituelles.
Cette série propose une forme de taxinomie impossible, celle de créatures de l’imaginaire, surgissant dans une zone indécise entre peur, fascination et étrangeté.
Ces œuvres s’inscrivent dans la continuité formelle des « Dessins rituels », tout en introduisant un nouveau rythme, plus libre et lacunaire. Les pleins et les vides, les traces et les absences, instaurent une dynamique de l’émergence, comme si la forme cherchait à se dire, mais hésitait encore entre apparition et effacement. Le dessin devient ainsi un champ d’écoute, un espace d’inscription sensible entre l’intuition, le corps et l’invisible.



Le dessin prend racine dans des profondeurs cachées, le trait prolifère, la ligne crée une arborescence à partir du vide, celle de la page blanche sur laquelle intervient une souillure, un gribouillis, une brulure ou un froissage. C’est un état primaire, une cosmogonie sujette à des projections mentales. Ces formes abstraites naissent de l’automatisme d’un geste graphique proche d’une écriture aux propositions ouvertes. Le gribouillis et ses proliférations se donnent comme une libre expression du psychisme. La matière s’étire vers la forme, vacille entre abstraction et une figuration suggestive, dans une pratique de l’émergence.
